Alma Nungarrayi Granites
Les peintures d’Alma Granites sont de nature duale, d’une part elle répond à la nécessité de la transmission d’un jukurrpa /dreaming hérité de son père et légué aux jeunes générations, et de l’autre, elle expérimente toutes les possibilités plastiques de l’acrylique employant dripping, projections et applications avec les mains.
Issue d’une famille d’artiste, elle a assisté à l’émergence de la peinture acrylique dans le centre de l’Australie avec la figure paternelle de Paddy Sims qui fut invité par Jean-Hubert Martin à composer l’immense peinture au sol à la Villette lors des Magiciens de la Terre en 1988, et mais aussi sa mère, Bessie Nakamarra Sims pionnière en tant que peintre-femme aborigène. Fructifiant cet héritage, le style de peinture d’Alma s’est progressivement détourné de l’austérité primaire des teintes ocres et terreuses des premières peintures pour des couleurs vives aux nuances subtiles et des tons clairs afin d’exprimer son dreaming
Son jukurrpa ou dreaming de prédilection de ses peintures est le rêve des sept sœurs ou Yanjilpirri / Napaljarri-Warnu. Une des versions de cette histoire relate comment sept sœurs Napaljarri se firent surprendre par un homme Jakamarra qui succomba à leurs charmes et les poursuivit de ses ardeurs. En prises à une frénésie, elles s’enflammèrent avant de rejoindre les cieux pour devenir la constellation des pléiades. Jakamarra, échauffé par cette quête impossible, se métamorphosa également en étoile, Sirius, dernière étoile à apparaitre dans le ciel avant l’aurore. Les noms des personnages se réfèrent à ce que l’on appelle en anthropologie, des familles classificatoires, aussi dénommées skin name dans le centre de l’Australie, qui divisent chaque individu sous huit familles. Elle est la base essentielle de la transmission du Jukurrpa et conséquement des droits sur les sites, et l’autorité de les peindre. Ainsi l’histoire réfère non seulement à un mythe prohibant l’inceste, les Jakamarra sont les petit-fils des Napaljarri, mais également à des routes traversant l’Australie sur des milliers de kilomètres, ponctuées de sites tels que des points d’eau, des formations rocheuses spectaculaires, ou simplement des lieux connus pour l’abondance des baies sauvages, yakajiri. Cette dynamique entre mythe et géographie constitue un champ de référence infini pour l’artiste aborigène dont l’inspiration principale est cette expérience de la visite ces sites, souvent sacré et à l’accès interdit, et pour lequel sa peinture constitue une réminiscence.
Georges Bureau
Commissaire d’exposition et critique d’art indépendant, spécialiste des Arts du Pacifique
Peintre Aborigène d’Australie – Art australien